nouveau texte contre la notion de développement.
à propos de l’invitation à un débat au Comptoir Général le samedi 19 mars, 15 H sur les nouvelles énergie, organisé par « solar generation » =Texte :
Ai-je bien lu à la fin de cette invitation =
nous serions invités à partager un verre avec des étudiants engagés pour le développement durable au Comptoir Général
J'espère qu'il y a une erreur et que nous sommes bien évidemment invités à rencontrer des étudiants engagés contre, je dis bien CONTRE le développement, et non pas POUR, quelque soit l'adjectif forcément oxymoresque placé à la fin pour décorer le "développement" et destiné à faire avaler la pilule plus facilement = soutenable, supportable, durable, humain, équitable, etc...les adeptes du Green Washing ont une imagination sans limite pour parvenir à leurs fins = par tous les moyens favoriser la continuation du rêve occidental d'artificialisation de la nature, issu de la "religion du progrès" et de l'apologie de l'industrialisation et de son délire productiviste.
C'est ainsi que l'ancien agité syndicaliste étudiant de Mai 68, Brice Lalonde, devenu allié des fafs (fascistes) Alain Madelin et Gérard Longuet, fondateurs du mouvement d'extrême droite "Occident", est désormais le représentant de la France à l'ONU pour préparer le Sommet Mondial de l'Environnement en 2012 à Rio, 40 ans après celui de Stockholm en 1972, et poursuivant le travail de sape commencé dès 1983 par le PDG de Ontario -Hydro Maurice Strong, organisateur de tous ces Sommets et fondateur avec le PDG de l'amiante , son ami Stephen Schmidheiny, du Business Council of Sustainable Development en juin 1992 ... l'ancien "écolo" Brice Lalonde souhaite appeler ce Sommet de 2012 le "Sommet de la croissance verte" !!!
Dire que dans ce même Comptoir Général il y a quelque mois, on projetait un film suivi d'un débat avec l'économiste Serge Latouche qui a largement démontré dans les nombreux livres qu'il écrit à ce sujet depuis 1986 que le "développement" est le problème, et non la solution, ce que confirme Gilbert Rist dans son "Le développement, histoire d'une croyance occidentale"(Presses de Science-Po), et que l'association "Solidarité" organisatrice de cette soirée mettait à disposition du public une mallette de documents contre la notion de développement, dont aux éditions Parangon les Actes du colloque à l'Unesco fin février 2002 "Défaire le développement, refaire le monde" !
Françoise Dufour vient de publier à l'Harmattan un résumé de sa thèse de linguistique sur la notion colonialiste de "développement", et avant elle, déjà, il y avait eu la thèse de Pierre Achard sur "La passion du développement", et sa contribution au recueil "Discours biologique et ordre social" (ed du Seuil), montrant que le mot "développement" appartient au domaine de la biologie où il aurait du rester. L'en sortir, c'est biologiser un concept pour faire passer une évidence en biologie pour une fatalité en politique : exemple : "un roi, c'est naturel" !
Voir ma contribution au débat au sujet du Forum de janvier 2011 "Repenser le développement" paru sur le site de "Nature Sciences Sociétés Dialogues" : comment le monde des chefs d'entreprise a dérobé en 1983 aux organisations de protection de la nature UICN et WWF leur création conceptuelle de 1980 = "sustainable development", expression déjà volontairement "langue de bois" destinée à servir d'argument pour négocier avec les Etats, notamment ceux du Tiers-Monde, expression censée prendre la suite de celle d'Ignacy Sachs : "éco-développement", créée à la suite du Sommet de l'Environnement de Stockholm en 1972, pour caresser dans le sens du poil les bourgeoisies du Tiers-Monde "éreintées", comme disait Frantz Fanon en 1961 :
"Le colon n'accorde l'indépendance au colonisé que lorsque ce dernier est suffisamment éreinté au point de reconnaître à haute et intelligible voix la suprématie des valeurs blanches".
A partir de 1968 l'adjectif "ethnocidé" remplacera "éreinté", à la suite de l'ethnologue Robert Jaulin...
Déjà vaincu militairement, un peuple colonisé est ensuite vaincu culturellement, donc victime de l'ethnocide. Il sombre dans le complexe d'infériorité, intègre les notions de "développement " et de "sous-développement" inventées par le président des USA Harry Truman en janvier 1949. Invention destinée à cacher la volonté de continuer la colonisation sans en avoir l'air. Le piège fonctionne. Le peuple mystifié par la soit- disante "supériorité occidentale" sombre dans le syndrome mimétique...
Les élites du Tiers-Monde s'imaginent qu'il n'y a plus qu'à imiter le mode de vie occidental, et pour cela qu'il faut se "développer"...
Mais tout "écolo" sait que les équilibres écologiques sur cette planète sont en danger si le mode de vie ne change pas profondément dans les pays occidentaux et leurs principaux imitateurs, appelés de façon étonnamment raciste "pays émergents".Races supérieures, races inférieures", disait-on sous la Troisième République, et maintenant : pays immergés, pays émergents ! Toujours la même distribution des bons points à ceux qui réussissent à nous imiter, nous les "supérieurs" !
Conserver la religion du "développement", c'est rester dans l'imaginaire du progrès à l'occidental, et donc commettre la faute de ne pas engager les populations vers une remise en cause fondamentale du mode de vie moderne. Voir par exemple les calculs sur "l'empreinte écologique", démontrant qu'en moyenne mondiale on a déjà dépassé les capacités biologiques de notre planète, et que donc nous mettons en danger les équilibres écologiques, à commencer par cette perturbation catastrophique de la composition des gaz de l'atmosphère, du fait de la combustion des énergies fossiles...
Au lieu de promouvoir la continuation du "développement", au lieu de le faire "durer", en parlant comme les hommes d'affaire de "développement durable", il faut s'engager vers la "sustainability", la "soustenabilité" comme disait en 1346 le roi Philippe VI de Valois dans son édit de Brunoy destiné à gérer les forêts pour que la ressource soit perpétuellement disponible aux descendants.
Un mode de vie soutenable, c'est un mode de vie modeste, humble, stable, qui prélève un minimum de ressource dans l'environnement et qui permet l'épanouissement de toutes les espèces sauvages avec un taux de biodiversité maximum. Par définition, tout ce qui se développe doit avoir une fin : le stade du développement n'est que le stade de l'enfance. Il faut parvenir au stade adulte, celui de la stabilité. Ces étudiants favorable au "développement durable" sont encore à un stade infantile de leur réflexion !
Ce mode de vie simple et frugal était le propre de quantités de peuples qui savaient vivre de surcroît sans hiérarchies oppressantes et sans connaître la notion cruelle (tripalium) de travail, comme le démontrait dès octobre 1968 Marshall Sahlins dans "Les Temps Modernes"avec son article sur "les premières sociétés d'abondance", ce que prouveront plus tard les travaux de Jacques Lizot...
A contrario, on sait désormais que le "développement" mène à l'impasse : le mur des échéances écologiques, le mur de l'épuisement des ressources énergétiques et minérales.
On ne sortira pas de cette impasse en restant dans l'addiction au "développement".
Il faut comme dit Majid Rahnema "décoloniser notre imaginaire" : cet iranien remet en cause les concept de "pauvres" et "riches", de "niveau de vie", et propose de sortir de l'imaginaire développementiste qui fait croire qu'il y aurait des nations "en retard" et des nations à rattrapper. Héléna Norbert-Hodge, spécialiste du Laddakh, a intitulé son ouvrage chez Fayard :"Quand le développement amène la pauvreté"...
On ne pourra pas débattre utilement au Comptoir Général s'il y a des étudiants développementistes qui veulent seulement réformer le "développement" en lui adjoignant tel ou tel gentil adjectif, comme ces hommes d'affaire qui veulent seulement peindre de couleur verte leur sacro-sainte croissance !
Thierry Sallantin, lauréat du Concours Général de géographie...